TRADUIRE ou TRAHIR
Lire des bandes dessinées en VO


Date : 28 janvier 2006


Invités :
   - Noriko Tetsuka (éditrice au magazine AX [1]);
   - Shizuka Nakano (l'auteure du Piqueur d'Étoiles [2]);
   - Satoko Fujimoto (traductrice [3]). Elle officiait ici également en tant que traductrice pour Mmes. Tetsuka et Nakano;
   - Tanitoc (auteur et critique de BD [4]);
   - Kim Dae Jong (éditeur de Sai Comics [5]);
   - Choi Juhyun (artiste, auteure et traductrice [6]).


Animateur :  ?


Il s'agissait de la seconde conférence du FIBD consacrée à la traduction, celle-là organisée par Les Littératures Pirates. Au final elle s'est révélé peu fréquentée (à cause des intempéries du samedi ?), pas très bien animée et plutôt décousue.
Le présent compte-rendu ne présente donc que quelques interventions, celles que j'ai jugées (tout à fait subjectivement) les plus intéressantes.

SAI COMICS

K.D.J. de Sai Comics a fait traduire Persépolis, du Crumb, du Jason... en Corée.
Suite à une question de l'animateur, il expliquait ne pas rechercher l'universalité dans les histoires et chez les auteurs étrangèr(e)s qu'il fait traduire. Il recherche plutôt l'originalité, une personnalité qui peut parler à un public coréen.
Il racontait également que les œuvres coréennes de Sai Comics ne sont pas éditées en France malgré ses efforts. Il vient à Angoulême depuis 3 ans (depuis l'exposition dédiée à la BD coréenne de la 30e édition du FIBD en 2003). Les premières années, il est venu avec un simple catalogue. Mais cette année il vient avec un livre traduit en anglais pour présenter aux éditeurs étrangers. Il s'agit d'une anthologie d'histoires courtes sur la vie en Corée, présentant plusieurs auteurs de Sai Comics.

TRADUCTION

Le probléme des onomatopées :

C.J. a expliqué avoir déjà traduit du français au coréen et l'inverse.
Elle racontait alors avoir travaillé sur Persépolis de Marjane Satrapi. Malgré la différence culturelle [7], elle n'a pas trouvé cela particulièrement difficile à traduire, notamment grâce aux notes de M. Satrapi. En fait la principale difficulté qu'elle a rencontrée est la traduction des onomatopées.


Interrogée alors sur le sujet, S.F. confirmait le problème. Dans son cas, la traduction des onomatopées japonaises est complexe du fait de leur richesse en japonais [8] . Pour ShinChan, il a parfois fallu qu'elle traduise des onomatopées par des mots ou qu'elle « invente » carrément des sons.

Du côté de l'auteure et de l'éditrice :

L'animateur a demandé à S.N. si elle avait pensé à la traduction en faisant Le Piqueur d'Étoiles. Elle répondait qu'elle ne s'était pas posé la question de la traduction. En fait elle ne pensait pas une seconde être éditée à l'étranger... A la question de savoir si le fait d'être publiée à l'étranger allait influer sur son travail, elle racontait simplement qu'elle ne pourrait plus utiliser des mots français « bidons », comme elle l'a fait dans Le Piqueur d'Étoiles.
Par contre elle a précisé que lorsque la proposition de traduction en français était arrivée, elle s'était demandé comment les « noms propres » allaient être traduits. Comme exemple elle citait le mot "youkai" [9] .
S.F., la traductrice du livre, expliquait alors avoir traduit "youkai" par "fantômes". Elle précisait ne pas avoir ajouté une note de traduction. En effet selon elle, le dessin complète le texte et rend donc une note inutile ici.


N.T. expliquait s'être beaucoup inquiétée au départ pour les traductions après avoir reçu des offres de publication (de livres de Seirinkogeisha ) à l'étranger. Par exemple, dans Le Piqueur d'Étoiles, elle trouvait qu'il y avait plusieurs expressions ou blagues très japonaises et donc difficile à traduire. Comme elle ne sait pas traduire, elle doit faire totalement confiance au traducteur. Elle pense donc qu'il faut une communication étroite entre traducteurs et éditeurs / auteurs.

DIVERS

S.F. a expliqué qu'elle essaye de respecter l'esprit original du texte en traduisant. Le dessin parle pour lui même, il n' a pas besoin de traduction.
Tanitoc a expliqué que selon lui traduire c'est trahir de toute façon. Il insistait alors sur l'« humilité » dont doit faire preuve un traducteur dans son travail de transposition d'un texte dans une langue étrangère.


Suite à la question de savoir si on ne restait pas à la surface d'une oeuvre en n'en lisant qu'une traduction, S.F. racontait avoir lu Dans la Prison en français (i.e. l'édition de Ego Comme X) et avoir trouvé ça « très bien ».


Au sujet de la complémentarité du texte et de l'image, que S.F. avait déjà évoquée pour justifier la non-inclusion d'une note de traduction :
        - C.J. a expliqué qu'elle facilite la traduction;
        - Tanitoc pense qu'elle est aussi intéressante pour apprendre une langue.


Dans une intervention à rapprocher de K.D.J. racontant ne pas rechercher l'universalité dans ce qu'il fait traduire, Tanitoc a expliqué qu'« être sincère, c'est être universel ». Selon lui même si le contexte de l'oeuvre est particulier ou étrange pour le lecteur, la sincérité de l'auteur et de son propos permet de « dépasser les particularismes avec cette universalité ».

par Mathieu LAGREZE


[1] AX est le successeur de Garo, un des très rares magazines de prépublication japonais qu'on peut réellement qualifier d'indépendant/alternatif/underground. Peut-être même le seul encore en activité vu que Comic Cue n'a plus l'air de paraître.

[2] traduit chez IMHO, et publié au Japon par AX et son éditeur Seirinkogeisha.

[3] Elle a notamment traduit Le Piqueur d'Étoiles, les Hideshi Hino et les Nekojiru pour IMHO et ShinChan pour J'ai Lu.

[4] On pourra touver ici une bio détaillée en anglais et là une bio plus courte mais en français.

[5] Pour plus de renseignement on pourra lire un article du Korea Times écrit lors du lancement de l'éditeur et cette présentation à l'occasion d'une rencontre organisée par l'association franco-coréenne Mudang.

[6] Elle traduit pour Sai Comics en Corée, et en France elle s'est par exemple occupée de La Bicyclette Rouge pour les éditions Paquet. Elle a également publié une BD en France : Le mois de..., Janvier 2005 aux éditions Groinge. Enfin, ou pourra consulter une courte (auto-)biographie sur le site de Warbuger.

[7] puisque le début de Persépolis raconte l'enfance de l'auteure dans l'Iran post-révolution islamique de Khomeini.

[8] En effet, les onomatopées sont largement utilisées en japonais (et encore plus dans les mangas). De fait leur variété est impressionante.
Les onomatopées consacrées qui décrivent des sons (gisei-go) sont ainsi plus nombreuses qu'en français (bruit de la pluie, bruit du silence...). Mais en plus, il existe toute une gamme d'onomatopées (gitai-go) qui décrivent des actions (rouler, se baffrer...), des états (glissant, collant...) ou des émotions (être somnolent, irrité...).

[9] Les Youkai sont des créatures surnaturelles typiquement japonaises. Cf. le site de la récente exposition qui leur a été consacré à la MCJP.


Remerciements : les invités de la conférence; Hervé et Manu pour les relectures; Du9 pour les idées de mise en page; Manu (encore) et L.T. pour l'aide avec HTML et CSS; Google...

Avertissement : le compte-rendu ci-dessus est issu de mes souvenirs et notes de la conférence. Même si il se veut le plus fidèle possible, il n'est vraisemblablement ni exact, ni complet à 100% . N'hésitez pas à me signaler toute erreur ou oubli !
La reproduction de ce texte est interdite sans mon accord préalable.
Crée le 28/03/2006 - Mis à jour le 30/03/2006
Contact : Mathieu LAGREZE