[Conflit d'emplois du temps, défaut d'organisation de notre part, enregistreur défaillant, etc. font que nous ne pouvons pas vous proposer une retranscription ni de photos de la Rencontre Internationale de Terry Moore. Cependant, voici ce que nous en avons retenu...] : Cette Rencontre Internationale a lieu à l'auditorium du Conservatoire à 11h30. Première surprise, la file d’attente pour entrer au Conservatoire n'est pas très longue, ce qui est étonnant vue la renommée de Terry Moore (auteur de Strangers in Paradise). Cela n'empêche pas d'entrer tardivement du fait de contraintes sécuritaires peut-être un peu excessives. Ensuite, la surprise devient mauvaise en entrant dans l'auditorium : il est à peine rempli (entre le tiers et la moitié).

La rencontre commence par l'enfance de Terry Moore. Il a débuté la lecture de comics avec les Peanuts de Schulz (comme beaucoup) et Pogo de Walt Kelly, via leur publication dans la presse. Pour Terry Moore, le monde de Charlie Brown ressemblait au sien (banlieue calme, il est de Houston) mais en bien mieux. Il se dit très tôt fasciné par les comics du quotidien et absolument pas par les comic books d'aventure comme c'est plus souvent pour un petit garçon de son âge. Dès l'enfance, il écrit ses propres histoires et celles-ci étaient déjà portées sur le quotidien. À la question portant sur la capacité de Terry Moore à concevoir de vrais personnages féminins HUMAINS et pas des clichés sur pattes ou des femmes fragiles qu'il faut sauver, il répond qu’il a toujours eu une vie remplie de femmes autour de lui, qu'il a toujours vu plein de femmes.

Terry Moore confirme qu’il a toujours ressenti l'importance d'écrire ses propres histoires et ne s'est jamais vu écrire pour l'industrie du comics. En effet, les histoires qu'il voulait raconter n'entraient pas dans les cases, les genres qui existent dans ce domaine. C’est comme en musique, il prend l'exemple des tribute bands qui ne peuvent interpréter que les chansons des autres, mais après, où va-t-on ? Il a donc dû réaliser Strangers in Paradise en autoédition.

Strangers in Paradise, d'après Vincent Brunner, est la pierre angulaire de l’œuvre de Terry Moore. On y trouve des personnages conçus il y a longtemps tels que Francine et Katchoo, comme le montrent d’anciennes illustrations projetées à l'écran. L’auteur précise qu’il a aussi eu une inspiration alors qu'il conduisait : en passant devant un arrêt de bus où attendait une femme très séduisante, alors qu'il pleuvait à flots. Là, son imagination s'est emballée : quelle est l'histoire de cette femme ? Pourquoi sort-elle sous cette pluie ? Qui va-t-elle voir ? Et ainsi de suite... En fait, Terry Moore adore inventer une vie aux gens et c'est un peu ainsi qu'est née la série.

L’animateur parle aussi de la narration particulière de Strangers in Paradise, mêlant à la fois bande dessinée, prose, poésie ou chansons. En effet, Terry Moore ne veut pas se cantonner à un domaine, il veut être libre et si à un moment, il veut faire de la prose, alors il ne se l'interdit pas. Lorsque Vincent Brunner évoque l'importance de la musique, et même des chansons dans la série, Terry Moore parle d'une « bande originale » pour sa bande dessinée, comme pour les films. Il écrit donc aussi la musique de son propre « film ». À vrai dire, Terry Moore est aussi bien dessinateur que musicien, faisant partie d'un groupe de rock. Il a longtemps jonglé entre ses deux passions et,finalement, il est surtout devenu auteur de BD. Mais la musique n'est jamais loin et la star de rock que l'on voit dans Strangers in Paradise est son alter ego.

Vincent Brunner rappelle aussi l'influence des comic strips, comme en témoignent certaines planches de Strangers in Paradise dans lesquelles les personnages sont parfois représentés dans un style proche de celui de Bill Watterson, en enfants. Pour Terry Moore, les adultes ont parfois un comportement très puéril et c'est ce qu'il a voulu refléter par là. Il dit que, parfois, lorsqu'on voit des adultes se disputer, ils sont très-très-très sérieux et, dans ces moments, il pense à un comportement d'enfants. C'est ce qu'il a voulu montrer, notamment par les personnages de Freddy et Casey qui se disputent très souvent. L’auteur en profite aussi pour rendre hommage aux Peanuts en dessinant ces scènes de disputes. D'ailleurs, pour lui, Freddy est une sorte de Charlie Brown qui a mal tourné, c'est un adulte plein de défauts car il n'a pas su grandir correctement.

Vient ensuite la partie sur Echo, série de science-fiction réalisée dans le style de Terry Moore avec l'humain toujours au centre du récit. Dans ce titre, l’auteur montre une femme lambda, divorcée, qui se retrouve victime d’une expérience scientifique et qui est contrainte de vivre avec. Terry Moore parle de jours « avec » et d’autres « sans ». Pour l'héroïne, c'était un jour « sans » où tout lui tombe un peu dessus. Terry Moore explique aussi adorer la science, qu’il suit à travers la lecture de différents articles traitant du sujet. Il évoque aussi son attachement pour la science-fiction, et surtout l'œuvre de Robert Heinlein. Surtout, Terry Moore se lance dans une tirade autour du nombre d'or (Il faudrait qu'il rencontre Araki ou qu'il lise Steel Ball Run ☺), ce nombre découvert par les humains et qui permet de restituer des proportions considérées comme parfaites, réalisées par la nature. Terry Moore trouve toujours drôle d'avoir un public de scientifiques venant en dédicace lui soumettre certaines impressions sur Echo. Parfois, certains lui disent même « ça c'est possible » ou « ça c'est impossible » !

Est aussi abordée très rapidement une époque où Moore a travaillé pour Marvel. En effet, à la fin de Strangers in Paradise, l’auteur confirme, qu'effectivement, il avait besoin de sous et qu'il a fait ces différents travaux entre deux de ses propres séries pour se renflouer financièrement. En effet, il collabore de façon ponctuelle avec des éditeurs comme Marvel, DC ou Images.

Dans Rachel Rising, Terry Moore mêle de nouveau un genre (l'horreur) avec des personnages très humains. Le tout se passe dans une bourgade paumée. Il est aussi question de Lilith, de violence, de gore, d'une petite fille extrêmement méchante. L'idée était de commencer une série comme elle finirait d'habitude. C'est-à-dire qu'à la fin d'une histoire, un personnage peut finir enterré et mourir. Là, il prend la chose à l'envers. Dans un environnement tout à fait banal, une femme enterrée s'extirpe et se demande pourquoi elle est là. On va donc rechercher les causes de cette « mort ». La série a été abrégée suite à de mauvaises ventes et elle s'est terminée un peu abruptement au 42e épisode.

Vincent Brunner en vient ensuite à Motor Girl, la série la plus récente de Terry Moore en français, sortie chez Delcourt en un gros volume. Motor Girl a surtout un point de départ assez anodin, suite à une beuverie entre copains. L'un de ses amis lui dit que s'il écrivait une histoire avec un gorille, une femme et des motos, il ferait fortune (Tayô Matsumoto l'a fait dans un chapitre de Frères du Japon montrant ainsi la cohérence de cette édition du festival ☺). Chose qu'il a fini par réaliser, en puisant aussi son inspiration dans la situation des G.I. suite aux guerres menées au Moyen-Orient. Il a eu ainsi des pensées pour les jeunes qui sont envoyés là-bas alors qu'ils viennent d'un lieu paisible, plutôt en paix, et qui partent pour un monde beaucoup plus violent. Et à leur retour aux Etats-Unis aussi, comment ils doivent composer avec au retour à une vie normale après avoir vécu tant de violences. C'est aussi sa série la plus politique selon Vincent Brunner.

À cela, Terry Moore a voulu aussi mêler de la SF rétro des années 1950. Il montre l'exemple d’une planche où on voit un vaisseau se déposer dans un design rappelant ces anciens comics, avec des pieds en métal et des « bouts » ronds. L'apparence des extra-terrestres a été également réalisée dans cet état d'esprit. Son héroïne est une ex-G.I. et il a voulu créer un merveilleux personnage, mais aussi un quelqu’un de fort.

Dernièrement, aux États-Unis, vient de sortir la suite de Strangers in Paradise, réalisée pour les 25 ans de la série. Celle-ci s'intitule Strangers in Paradise XXV et c'est une série limitée, déjà terminée en dix épisodes. Après la fin de sa série culte, une des femmes gardes du corps est arrêtée par la police, mettant Katchoo en danger. En effet, cette arrestation révèlera plus qu'on ne le croit, permettant de mettre en place un « Terryverse » puisque les personnages de toutes les séries se révèlent être liés entre eux. Nous ne l’avions pas remarqué mais, apparemment, dans toutes les séries de Terry Moore, on y voit un personnage de Strangers in Paradise.

Après cela, Vincent Brunner aborde le sujet des adaptations « live » de ses séries. Visiblement, un projet est en cours pour adapter Strangers in Paradise en film. Terry Moore explique qu'il est très important pour lui de savoir qui l'approche à ce sujet et que toutes les personnes étant venues en lui posant la question « est-ce à propos de lesbiennes ? » se sont fait rembarrer car, selon lui, elles ne comprennent rien et ne peuvent pas adapter son histoire. On apprend aussi qu'une série aura lieu pour Rachel Rising, qu'il surveille moins de près mais qu'il fait confiance à l'équipe chargée de l’adaptation. Seulement, il a bien conscience que dans les industries audio-visuelles et surtout à Hollywood, rien n'est sûr. Un film peut se terminer et jamais sortir, un film peut ne jamais se faire, etc... C'est aussi pour ça que les comics sont ce qu'il y a de plus facile à faire : une personne, une feuille, un crayon et on peut réaliser une histoire dont on a le contrôle total. C'est, selon lui, ce qu'il y a de plus simple car il n'y a pas d'autre paramètre et on peut même s'autoéditer.

Notre mémoire flanche sur ce qu’a dit Terry Moore à la fin sur un de ses nouveaux projets (Five Years ? ou le 10e floppy de Strangers in Paradise XXV plus vraisemblablement), mais il a dessiné le tout jusqu'au bout avant de prendre l'avion. Ainsi, même s'il a un problème au vol retour, ce sera terminé ! Il pense à ses lecteurs et lectrices ce bonhomme ☺. Conluons par une remarque de Terry Moore à propos d'Angoulême. Il trouve impressionnant ce festival de bandes dessinées car il y voit surtout des livres, que les gens s'intéressent aux livres et qu'il n'est pas altéré comme le sont les conventions américaines telles la Comic Con (il devait parler des gros festivals). Bref, voir des livres lui a visiblement fait très plaisir.