Le manga et le festival d'Angoulême, les débuts : 1982-2006

FIBD 1982La première « intrusion » marquante de la bande dessinée japonaise à Angoulême date de 1982 lorsqu'Osamu Tezuka, à son initiative, visite ce qui est encore « qu'un » salon de la bande dessinée. Il y fait la connaissance de Mœbius, le président de l'édition, et invite ce dernier quelques années plus tard à Tôkyô. Il faut attendre ensuite une dizaine d'années pour voir une véritable mise en avant du manga avec le Japon en pays invité en 1992, Jirô Taniguchi étant présent à cette occasion. Il faut attendre encore neuf ans et 2001 pour que le manga retrouve une certaine visibilité avec, à nouveau, le Japon en pays invité et un pavillon dédié organisé avec l'aide de Dominique Véret de Tonkam. Il faut dire que l'arrivée du « phénomène manga » dans les années 1994-95 a marqué le marché francophone de la bande dessinée. Deux expositions, un cosplay et des projections d'animés sont proposés à cette occasion, avec succès si on en croit le compte-rendu fait à l'époque par Chronic'art. Les auteurs invités sont Yû Wataze, Tsutomu Nihei, Masakazu Katsura et Kia Asamiya.

FIBD 2003En 2003, Katsuhiro Otomo et Jirô Taniguchi sont présents à la première édition des Rencontres Internationales du festival et, surtout, Quartier lointain reçoit l'Alph-Art du meilleur scénario. La Corée du Sud est une des trois grandes « nations » de la bande dessinée asiatique et la voilà à son tour mise en avant en tant que pays invité. À cette occasion, une exposition sur le manhwa, des rencontres et des spectacles de rue sont organisés. Byun Byung Jun est un des principaux invités coréens.

Néanmoins, c'est surtout à partir de 2004 que le Japon commence à avoir une véritable place au festival d'Angoulême avec la création d'un « espace manga ». Cette première n'est pas franchement mémorable, notamment sur le plan des invités japonais (il n'y en a pas) et seule la réception d'un deuxième prix, celui de la série qui est attribué à 20th Century Boys, vient réellement confirmer une montée en puissance du manga.

FIBD 2005En 2005, la deuxième édition de l'Espace Manga, aux couleurs du magazine Le Virus Manga, permet au public (présent en nombre) de rencontrer Hiroyuki Takei qui est fait à cette occasion citoyen d'honneur de la ville d'Angoulême. De nombreux auteurs japonais sont présents : Junko Mizuno, Kan Takahama, Naïto Yamada et surtout Yoshihiro Tatsumi qui vient parler du gekiga aux festivaliers à l'occasion d'une Rencontre Internationale.

L'année 2006 n'est pas une grande année du point de vue du manga à Angoulême en dehors de la présence de Kotobuki Shiriagari, invité d'honneur. Il est tout de même possible d'assister à une table ronde sur le manga « indépendant » et de rencontrer l'auteure Shizuka Nakano. Il ne faut pas oublier l'école Osaka Sogo College présente au festival depuis 1999 et qui forme notamment au métier de mangaka. Elle est à nouveau présente aux Archives départementales avec une exposition de travaux d'anciens élèves et des démonstrations assurées par ses étudiants qui font le déplacement entre Osaka et la préfecture de la Charente.

FIBD 2006

Le Manga Building : 2007-2010

En 2007, une nouvelle organisation de l'Espace manga (au sein des bulles de Montauzier), sous la direction conjointe de Julien Bastide et Nathalie Bougon, animé par Stéphane Langevin, pérennise l'événement et préfigure le Manga Building avec ses espaces dédiés, un aux projections, un aux expositions et le dernier aux conférences et débats. NonNonBâ de Shigeru Mizuki reçoit le prix du meilleur album, la distinction la plus élevée attribuée à une bande dessinée par le festival. Une conférence passionnante sur les yokai y est donnée cette année-là (le programme des conférences et tables rondes est fourni, par ailleurs) et les auteurs japonais brillent par leur absence.

FIBD 2008En 2008, le Manga Building est créé au sein de l'Espace Franquin, toujours sous la direction de Julien Bastide et Nathalie Bougon, ce qui permet aux fans de mangas de bénéficier d'un espace en dur proposant deux grandes salles, une (Iribe) servant de lieu pour une exposition d'importance, l'autre (Buñuel) aux projections et aux rencontres. Une troisième (Méliès), nettement plus petite, permet aussi d'organiser des conférences et des projections. Le Foyer du public sert d'espace central et de lieu de présentation de planches, parfois originales, d'auteurs invités par le Manga Building. Outre une exposition de qualité consacrée au studio Clamp, l'événement le plus mémorable reste la visioconférence organisée entre Jirô Taniguchi, resté à Tokyo, et François Schuiten. Des auteurs de mangas sont présents, notamment Daisuke Igarashi et Yoshio Sawai. Différentes conférences et tables rondes complètent le programme.

FIBD 2009L'édition de 2009 confirme l'organisation du Manga Building avec une orientation de plus en plus marquée vers les projections de films d'animation, en long et en court métrage, (au détriment des conférences et débats) et propose dorénavant un espace de vente / librairie en relation avec la programmation. La présence d'Hiroshi Hirata est particulièrement remarquée grâce à la très grande disponibilité et la simplicité de l'auteur, mâtinées d'un peu de cabotinage. Le public angoumoisin rencontre ainsi un grand nom de la bande dessinée japonaise. Une excellente exposition dédiée à Shigeru Mizuki est proposée et elle rencontre un succès incontestable. En même temps, Junko Kawakami anime un atelier montrant le travail d'une mangaka et Grégoire Hellot, le directeur de collection de Kurokawa, fait son show à destination des parents afin de leur permettre de mieux comprendre ce qu'est le manga. Shigeru Mizuki reçoit un nouveau prix, celui du patrimoine pour Opération mort.

FIBD 20102010 est l'année de la maturité et le Manga Building ne propose que des changements très mineurs par rapport à l'année précédente. L'auteur invité est Makoto Yukimura qui est le centre de nombreuses activités : rencontre avec Jean-David Morvan, performance sur tablette graphique et séance de dédicace sont au programme. En prime, les plus passionnés ont la chance d'assister à une excellente conférence donnée par Mikito Takase, le responsable éditorial de l'auteur. N'oublions pas la série One Piece qui est à l'honneur avec une exposition, peut-être un peu décevante par rapport aux deux précédentes organisées dans la salle Iribe. Le succès public est une nouvelle fois total et le Manga Building confirme son importante au sein du festival. Pourtant, l'expérience ne sera pas renouvelée en 2011 comme on l'apprendra quelques mois plus tard. Le Manga Building a disparu, vive l'espace « Mangasie » et son nouveau responsable de la programmation : Erwan Le Verger.

La chute : 2011-2013

FIBD 2011En 2011, la première édition de Mangasie (située dans la tente barnum principale du Monde des bulles) laisse circonspect sur plusieurs points, à commencer par celui de l'agencement et de la place attribuée au public désireux de suivre les différentes animations. Néanmoins, le programme proposé n'est pas totalement inintéressant, malgré l'absence d'auteurs japonais. Étonnamment, l'exposition consacrée au manga alternatif se révèle presque réussie malgré d'importantes contraintes d'espace et de budget. Le tout est complété par de nombreuses performances graphiques et tables rondes. Malheureusement, l'édition de 2012 est un ratage quasi complet, entre mauvais emplacement, programmation peu motivante et animations gérées par MCM, tirant vers le bas un niveau qui n'était déjà pas très élevé. C'est alors la fin d'un espace qui n'avait de manga que le nom.

FIBD 2013Place alors en 2013 à Little Asia qui s'annonce être sans réel intérêt et à la limite de l'inaccessible tant il faut être motivé pour monter au troisième étage du Théâtre (ce que certains font, notamment pour assister à une conférence sur Billy Bat). C'est ainsi que le manga disparaît totalement de la manifestation, hors auteurs invités et malgré la présence de quelques éditeurs courageux (Kurokawa, Taïfu, IMHO, Le Lézard Noir). Le manhua et le manhwa sont dorénavant mis en avant pendant le festival alors que les œuvres venues de Chine ou de Corée ne représente pas grand-chose dans le marché francophone de la bande dessinée d'origine asiatique. Par exemple, le Nouveau Monde a proposé la rencontre « Découvrir la bande dessinée chinoise » avec Fei, Chongrui Nie et Golo Zhao, tout à fait réussie malgré un risque élevé d'autopromotion.

FIBD 2011Côté présence des mangaka, Ryoko Ikeda est invitée d'honneur du festival en 2011, l'auteure rencontrant un grand succès lors de sa Rencontre Internationale. En 2012, Atsushi Kaneko, invité par IMHO et Ankama, nous fait le bonheur de revenir à Angoulême, nous gratifiant d'une rencontre tout à fait intéressante à l'espace Nouveau Monde. En 2013, dans une salle Buñuel comble, Leiji Matsumoto voit sa double Rencontre Internationale gâchée par une traduction simultanée quasiment incompréhensible. La présence de Hisae Iwaoka à une table ronde sur le numérique (ce qui n'était pas vraiment le sujet de départ) avec Pénélope Bagieu n'est pas des plus intéressante étant donné que la mangaka est restée très traditionnelle pour concevoir ses œuvres et n'a donc rien à dire sur le sujet. 2013 est une année à oublier du point de vue du manga, donc.

Côté récompenses, Pluto, de Naoki Urasawa, obtient en 2011 le prix intergénérations, démontrant une certaine difficulté pour le jury à être original dans ses choix dès qu'il s'agit d'auteurs japonais. Ce point est en partie corrigé en 2012 avec l'attribution de ce même prix à Bride Story, de Kaoru Mori, et avec l'attribution du prix Regard sur le monde à Une vie dans les marges de Yoshihiro Tatsumi. En 2013, il n'y a que l'anecdotique Prix spécial 40ème anniversaire attribué à Akira Toriyama qui est à signaler.

Le redressement : 2014-2015

FIBD 2014En 2014, Little Asia bénéficie d'une belle surface en étant située dans la bulle de la Place Saint Martial, mais la présence du manga se résume à un stand vide, celui d'une mystérieuse association (expulsée pour cause de contenu inapproprié) ayant manifestement des accointances avec les mouvements révisionnistes japonais et qui voulait protester contre la présence de l'exposition « Fleurs qui ne se fanent pas », organisée par le gouvernement sud-coréen et revenant sur les exactions qu'ont subies les « femmes de réconfort », un système d'esclavage sexuel des femmes coréennes (à 85 %, les autres victimes étant principalement Chinoises et Thaïlandaises) mis en place par l'armée japonaise durant la Seconde guerre mondiale. Ajoutez à cela un programme indigent, il faut donc, pour avoir du contenu intéressant, se tourner vers les Rencontres Internationales avec Li Kunwu (Chine) et le timide donc très peu présent Suehiro Maruo (Japon) ainsi que vers les deux conférences du Conservatoire consacrées au manga (l'une sur Shôtarô Ishonomori et l'autre sur Moto Hagio).

FIBD 2015Heureusement, en 2015, les choses s'arrangent. Jirô Taniguchi est un invité très présent et une grande exposition (malheureusement mal scénographiée et aux cartels indigents) lui est consacrée au Vaisseau Moebius. Toutefois, le manga est toujours absent de Little Asia (déplacée dans la cours de l'Hôtel de ville), les masterclass d'Eiji Otsuka se déroulant au CNAM-ENJMIN, laissant une fois de plus la place aux bandes dessinées hongkongaises, taïwanaises et coréennes. Eiji Otsuka (très présent, donc) et Junji Itô participent aux Rencontres Internationales, mais sans faire salle comble. Une conférence sur l'adaptation graphique des mangas et une autre consacrée à Rumiko Takahashi viennent compléter la « présence » nipponne. Surtout, un auteur japonais est enfin récompensé du Grand Prix : Katsuhiro Otomo reçoit la distinction suprême du festival, certainement grâce à une refonde du système des votes. San Mao de Zhang Leping, une bande dessinée d'une grande importance en Chine et d'une très grande qualité, reçoit le prix du patrimoine.

FIBD 2015

Une nouvelle organisation : 2016-2018

FIBD 2016Le Quartier Asie vient plus ou moins remplacer Little Asia en 2016. Il prend place au fond du Monde des bulles 2 et propose deux rencontres avec des mangaka. Le reste du programme présente malheureusement peu d'intérêt (performances graphiques en boucle et projections d'animés, ça intéresse qui, franchement ?) tout comme les deux espaces qui sont pompeusement nommés expositions (sur le magazine japonais Hibana et sur l'auteur hongkongais Li Chi Tak). La moto d'Akira est exposée et les visiteurs peuvent être pris en photo avec elle moyennant finances supplémentaires. Résultat : le festivalier fan de manga ayant un peu de bouteille ne peut que regretter, une fois de plus, la période dorée du Manga Building. Ce n'est pas que les deux Chine et la Corée ne produisent rien d'intéressant, mais la barrière de la langue est malheureusement infranchissable pour beaucoup et les auteures et auteurs sont généralement inconnus des fans de bande dessinée.

FIBD 2016Pourtant, il y a un beau plateau d'auteurs japonais cette année-là avec, en point d'orgue, le show Katsuhiro Otomo au Théâtre. N'oublions pas les rencontres au Quartier Asie avec Minetarô Mochizuki et Ayako Noda, Mochizuki remettant ça à la médiathèque l'Alpha, alors que Noda montre ses talents de dessinatrice à l'occasion d'une performance graphique, toujours au Quartier Asie.

Fin 2016, Stéphane Beaujean, le nouveau directeur artistique, conscient de la faible qualité des manifestations de Little Asia/Quartier Asie, lance le chantier de la refondation, dans le but d'attirer à nouveau les éditeurs francophones de manga qui ont quasiment tous désertés le FIBD depuis des années (seuls Akata et Taïfu/Ototo font de la résistance, hors Lézard Noir), et faire (re)venir un public de fans. Bien entendu, les effets ne peuvent se faire sentir en 2017, et c'est un Quartier Asie sans grands changements qui nous est proposé. Certes, les stands coréens, hongkongais et taïwanais sont plus beaux que jamais mais il n'y a toujours pas de manga en dehors de la librairie Cultura dédiée au genre. Et ne parlons pas du programme... Notons toutefois une intéressante exposition sur la représentation des femmes par Kazuo Kamimura (ce que le sous-titre « L'estampiste du manga » pouvait laisser entendre) et quatre auteurs japonais invités (Gengoroh Tagame, Mari Yamazaki avec Tori Miki, Eldo Yoshimizu). C'est au niveau des prix que la différence se fait vraiment sentir, surtout en comparaison avec l'année précédente : Chiisakobé de Minetaro Mochizuki reçoit le prix de la série, Le club des divorcés de Kazuo Kamimura reçoit celui du patrimoine. Le reste de l'Asie n'est pas en reste avec Ancco et ses Mauvaises filles.

La conférence de presse de la 45e édition ne permet pas d'avoir une idée précise sur la place qui sera donnée en 2018 à la bande dessinée japonaise. Le Pavillon manga risque fort de n'avoir de « manga » que le nom : la Chine continentale, Taïwan et la Corée du Sud pourraient bien y être les meilleures représentantes de la bande dessinée asiatique. Toutefois, nous pouvons compter sur deux invités prestigieux, Naoki Urasawa et Hiro Mashima, ainsi que trois expositions avec « L’Art de Naoki Urasawa » (à l'Espace Franquin • salle iribe), « Fairy Tail » (au Quartier Jeunesse • Chais Magelis) et « Osamu Tezuka, Manga no Kamisama » (au Musée d’Angoulême) pour faire honneur au Japon.

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