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Festival d'Angoulême : l'édition 2013

Mangaverse à Angoulême
S'il s'agissait d'une édition anniversaire, il n'en reste pas moins que ce quarantième Festival d'Angoulême s'est révélé être de facture moyenne en ce qui nous concerne. Si le programme restait intéressant, le manga a totalement disparu de la manifestation, hors auteurs invités et la présence quelques éditeurs courageux (Kurokawa, Taïfu, IMHO, Le Lézard Noir). Le manhua et le manhwa étaient une fois de plus particulièrement mis en avant alors que les œuvre venues de Chine ou de Corée ne représente pas grand chose dans le marché francophone de la bande dessinée d'origine asiatique. Pire, l'espace Little Asia, à la programmation sans grand intérêt car composée d'activités répétitives et de rencontres peu motivantes, était à la limite de l'inaccessible, étant situé au troisième étage (sans ascenseur pour le public, bien entendu) du Théâtre d'Angoulême. L'époque bénie du Manga building est définitivement révolue.

Heureusement pour certain(e)s, l'intérêt du Festival est ailleurs. Par exemple, dans les Rencontres internationales avec Andreas (au Conservatoire), Leiji Matsumoto ou Don Rosa (à l'Espace Franquin). N'oublions pas les conférences et tables rondes dont celle de Paul Gravett sur Jack Kirby (au Conservatoire), celles sur la bande dessinée chinoise avec la directrice et les auteurs des Éditions Fei, puis sur l'œuvre de Chester Brown (au Forum du Nouveau Monde) ou encore celle sur Billy Bat de Naoki Urasawa (à l'espace Little Asia). Il y avait aussi de quoi faire avec les expositions : Les Arcanes d'Andreas (au Musée d'Angoulême), Spécial Corée (place Saint Martial) et Mickey et Donald, tout un art (dans la cours de l'Hôtel de ville). Le temps a une fois de plus manqué pour tout faire et notamment pour aller voir Uderzo in extenso (au Vaisseau Mœbius), confirmant ainsi la richesse de la manifestation... comme d'habitude !

 

Les expositions

Les expositions sont généralement particulièrement réussies au Festival d'Angoulême, en comparaison de la majeure partie des
autres manifestations du genre. Cette année, il en a été de même pour celles que nous avons pu visiter.

Les Arcanes d'Andreas

Une des deux expositions prioritaires, qui ne nous a pas déçus un seul instant. Les Arcanes d'Andreas, présentée en 2012 au Festival Quai des bulles à Saint Malo, sise au Musée d'Angoulême pendant plusieurs mois, était largement centrée autour de Capricorne et Rork, séries publiées au Lombard et mettant en scène les deux principaux héros de l'auteur. Il y avait toutefois quelques planches des autres titres d'Andréas : Arq, Cromwell Stone, Le Triangle rouge, Cyrrus, Mil et même Fantalia (oui le légendaire album introuvable). Les festivaliers qui ne connaissaient pas l'œuvre du maître sont sûrement repartis convaincus qu'il faut absolument lire Andreas, à l'image d'une personne de notre petit groupe ! De courtes séances de dédicaces étaient organisées par le musée, festival oblige !


Mickey et Donald, tout un art

Notre autre exposition prioritaire était un des points forts du Festival et, de ce fait, sa fréquentation n'a jamais faibli durant les quatre jours. Il y avait donc un monde fou, dont un grand nombre de familles, lorsque nous l'avons visitée le dimanche matin. Deux d'entre nous (au moins) avaient grandi avec Le Journal de Mickey mais pas à la même période. C'était donc avec une nostalgie certaine que l'on a pu (re)découvrir la variété des auteurs (pas de noms à l'époque, c'était Walt Disney pour tout le monde !) qui se trouvaient derrière des figures aussi connues que Mickey, Donald ou Picsou. Cette variété était particulièrement mise en avant par une organisation judicieuse en cinq périodes se focalisant sur les auteurs ayant marquée chacune. Cela a permis de retrouver nombre d'auteurs italiens comme Romano Scarpa ou Luciano Bottaro. En effet, dès la fin des années 1930, l'Europe (principalement en Italie à partir de 1949 puis en Scandinavie dans les années 1980) devient productrice de bandes dessinées Walt Disney avant d'être son principal marché quarante ans plus tard. Les bandes dessinées estampillées Walt Disney ne sont donc que rarement des comics, et sont relativement méconnues sur le territoire américain.

Spécial Corée

Il s'agissait d'une exposition présentant de nombreux artistes, mais trop décousue et sans ligne directrice à part celle, un peu trop manifeste, de chercher à vendre la bande dessinée coréenne. On peut aussi regretter que le label Hanguk de Casterman ait été un peu trop occulté, notamment dans la bibliographie française de certains auteurs présentés alors qu'il s'agissait de la collection la plus intéressante de manhwa. Mais le talent de certains auteurs leur a permis de ressortir du lot, comme Kim Dong Hwa (Histoires couleurs terre) et ses lampions mais aussi ses superbes planches, ou Lee Doo Ho (Le Bandit généreux). Une petite bibliothèque proposait des manhwa en VO et VF mais il y avait peu de choses en rapport avec l'exposition, étant donné la prédominance de l'éditeur Clair de Lune à la ligne éditoriale bien différente de celle mise en avant à Angoulême. Bien entendu, il y avait l'inévitable effort de promotion du web comic à la coréenne (sur ce genre de mahwa, on a pu découvrir ici en 2007, chez Hangkuk, Catsby de Doha).

Au bord de l'eau, la bande dessinée traditionnelle chinoise

Il s'agissait d'une exposition organisée à l'occasion de la sortie par les éditions Fei d'Au bord de l'eau en lianlianhua, c'est-à-dire des petits recueils dessinés par des artistes chinois en format à l'italienne avec une illustration et un récitatif en-dessous. Il s'agit de la bande dessinée traditionnelle chinoise, très diffusée jusqu'à une époque récente, beaucoup de Chinois ayant grandi en lisant ce type de livres. L'exposition était organisée dans une yourte, chose originale (quelques années auparavant, la série La Balade de Yaya avait été présentée dans un bus). Il s'agissait donc d'une petite exposition intéressante montrant un panorama de la bande dessinée chinoise peu connu en Europe et issu de la collection personnelle de Fei. Le plus amusant était de s'apercevoir que tout est possible en lianlianhua, du cultissime Star Wars, en passant par Tintin, les pièces de théâtre et jusqu'aux adaptations de grands romans traditionnels.

Les rencontres, tables rondes et conférences

Table ronde : La bande dessinée dans tous ses médias

Participants : Pénélope Bagieu, Hisae Iwaoka et Atsuhi Hosogaya – Animateur : Erwan Le Verger

Notre présence s'expliquait tout simplement par la venue de Hisae Iwaoka, l'auteure de La Cité Saturne. Malheureusement, le thème en lui-même fut plutôt mal traité et souvent un peu hors-sujet. Alors qu'il aurait fallu parler de « tous les médias », l'animateur (qui ne semblait pas avoir bien préparé la table ronde) s'est vite focalisé sur le numérique. Hélas, Hisae Iwaoka n'a pas cessé de rappeler qu'elle était une dessinatrice « à l'ancienne » et qu'elle ne travaillait pas en numérique. Ajoutez à cela le fait qu'elle n'avait pas grand chose à dire et qu'elle semblait un peu timide, comme beaucoup de mangaka. Voilà une erreur de casting quelque peu fâcheuse. Atsuhi Hosogaya, un universitaire spécialisé sur le marché du manga, a abordé assez brièvement le cross media. Hélas, l'érudit avait un discours préétabli, et ses réponses n'avaient parfois qu'un rapport lointain avec les questions posées. Enfin, Pénélope Bagieu, très impliquée dans le domaine du numérique, a donné son avis de manière assez consensuelle, notamment en faisant passer un échec pour un succès avec l'expérience de publication en ligne de la bande dessinée Les autres gens de Thomas Cadène. Échec qu'elle a reconnu ensuite lorsque nous l'avons directement interrogée sur la prépublication en ligne à l'occasion des questions du public. Nous y avons appris que son blog était traduit en japonais. Ce fut aussi l'occasion de feuilleter certains mangas de Hisae Iwaoka, notamment Hoshigahara Aomanjuu no Mori, un de ses derniers titres mettant en scène des yôkai.

 

Rencontre internationale : Andreas

Participant : Andreas – Animateur : Stéphane Beaujean

L'une d'entre nous étant très fan d'Andreas, nous ne pouvions pas manquer cette Rencontre internationale. Une rencontre tout à fait réussie où l'animateur a choisi d'aborder de façon intellectuelle les bandes dessinées d'Andreas. Il a notamment proposé des interprétations qui ont gêné parfois l'auteur qui n'a pas intellectualisé à ce point son travail et qui n'a pas l'habitude (ni l'envie) de se mettre en avant, estimant que ses œuvres parlaient pour lui. C'était d'ailleurs l'avis d'une festivalière qui a longuement approuvé les différents propos de l'auteur à l'occasion des questions du public et qui en a profité pour faire une quasi déclaration d'amour envers l'auteur, qui était très touché devant tant d'enthousiasme. Andreas y même allé de sa petite larme et n'a pas pu parler durant un instant .

 

Rencontre internationale : Leiji Matsumoto (seconde partie)

Participant : Leiji Matsumoto – Animateur : Julien Bastide

Il s'agissait de la seconde partie de la Rencontre internationale avec Leiji Matsumoto, véritable prolongement de la première et plus centrée sur la place des femmes dans son œuvre, notamment sur le personnage de Maetel dans Galaxy Express 999, ainsi que sur le thème du voyage. Saluons au passage l'énergie du mangaka qui est resté deux fois une heure et demi (avec une simple coupure d'un peu plus d'une heure entre les deux) à présenter son travail à un public angoumoisin venu en nombre, la salle étant totalement remplie. Le gros problème de cette rencontre a été une traduction instantanée souvent incompréhensible et très hésitante. La pauvre interprète était totalement dépassée par les propos de l'auteur. Du coup, les nombreuses personnes dans le public qui n'avaient pas pu avoir d'écouteurs (en nombre très insuffisant) n'ont pas eu grand chose à regretter. Ce fut bien dommage car l'animation était de qualité avec des questions tout à fait intéressantes (tout en restant très grand public) suivies de longues réponses, Leiji Matsumoto étant quelqu'un de manifestement très bavard. Dernier souvenir mémorable de cette rencontre : une bande-annonce du prochain long métrage d'Albator, fim américain en images de synthèse, qui était d'un ridicule absolu et promettait un navet totalement indigeste.

 

Rencontre internationale : Don Rosa et Ulrich Schröder

Participants : Don Rosa et Ulrich Schröder – Animateur : Jean-Paul Jennequin

Une très belle Rencontre internationale, rondement menée par un animateur maîtrisant parfaitement son sujet. Cette fois, il y avait assez d'écouteurs malgré une salle comble. Peut-être que le nombre de festivaliers maîtrisant l'anglais était supérieur à celui des japonisants... Grâce à de nombreuses questions pertinentes, cette rencontre a été très instructive sur l'état de la bande dessinée aux États-Unis dans les années 1960-1970. Il y a eu aussi beaucoup d'émotion lorsque Don Rosa a parlé de sa découverte en solitaire de la bande dessinée, des œuvres de Walt Disney et de sa prise de conscience que d'autres personnes adoraient le Picsou de Carl Barks. Il faut dire qu'avant le développement d'Internet, la circulation de l'information n'était pas aussi développée. Ce côté solitaire, tous les fans de manga l'ont connu aussi dans les années 1990, sans sites ni forums Internet pour s'exprimer. Enfin, une petite discussion d'après-rencontre avec Ulrich Schröder nous a permis de comprendre pourquoi Picsou s'appelle Dagobert en Allemagne, répondant ainsi à la question existentielle que Taliesin se posait depuis des années.

 

Conférence : Jack Kirby, le roi des comics

Intervenant : Paul Gravett

Il s'agissait d'une conférence menée par un grand enthousiaste de l'œuvre de Jack Kirby. Certes, c'était parfois décousu, plein de digressions, mais aussi plein de passion, d'amour et parfois même d'émotion (notamment lors des passages concernant les souvenir d'enfance de l'intervenant). Paul Gravett était si emporté dans son élan que l'organisateur a du venir lui dire de conclure car le Conservatoire allait fermer. Ce fut donc une conférence de deux heures au lieu de l'heure et demi prévue. Plusieurs d'entre nous connaissaient Kirby surtout de nom et principalement au travers de ses travaux pour Marvel (les Fantastic Four en particulier). Heureusement, Paul Gravett a abordé de nombreux points, passant assez rapidement les années Marvel pour parler de projets plus personnels du « roi des comics ». En l'occurrence, le conférencier nous a présenté le projet d'une autobiographie illustrée par une double page magnifique, ainsi que Soul Love, un projet de comics romantique avec des African Americans situé dans les années 1970. La conférence s'est terminée sur la série New Gods et sur la projection d'une vidéo personnelle sur l'exposition Jack Kirby organisée à Lucerne en Suisse en 2010.

 

Rencontre : Découvrir la bande dessinée chinoise avec Fei, Chongrui Nie et Golo Zhao

Participants : Fei, NIE Chongrui et ZHAO Golo – Animateur : Stéphane Beaujean

Si l'on pouvait craindre une rencontre un peu trop tournée vers l'auto-promotion, il n'en fut rien et les différents propos se sont révélés être tout à fait intéressants devant un public plutôt fourni. Golo Zhao (La Balade de yaya) est un jeune Chinois et cela se voyait (y compris dans sa façon de parler...), alors que Nie Chongrui est de l'ancienne génération, celle qui a vu la Chine changer du tout au tout. Les deux dessinateurs ayant grandi dans une Chine différente, ils n'avaient pas du tout la même approche de leur rencontre avec le public : nous avons été frappés de voir la méfiance de Nie lorsqu'il s'exprimait car, pour lui, tout ne se dit pas, notamment sur la question de la liberté d'expression (il a demandé si c'était enregistré avant de répondre). De son côté Golo était plus nonchalant, plus détaché. Quand à la directrice, Fei, elle fut comme à son habitude très enthousiaste et positive sur ses propos. Anecdote amusante : les dessinateurs avaient à peine terminé leur intervention (d'une durée d'une vingtaine de minutes sur l'heure dédiée à la table ronde) qu'ils s'étaient remis à dédicacer sur ordre express de Fei ! Toutefois, ils ne se firent pas prier... Durant cette rencontre, nous avons eu la confirmation que la Chine n'est toujours pas un pays facile pour faire de la bande dessinée, qu'il n'y a pas vraiment de scénaristes de BD à proprement parler car ils partent tous travailler pour le cinéma ou la télévision, et qu'à l'époque de l'enfance de Fei, tous les enfants chinois grandissaient avec les lianlianhua.

 

Rencontre : Découvrir l'œuvre de Chester Brown avec Chester Brown

Participants : Chester Brown – Animateur : Stéphane Beaujean

Chester Brown a fait parler de lui toute l'année 2012 par son ouvrage au titre sulfureux, 23 prostituées, mais nombreux dans le public, à commencer une partie de notre petit groupe, étaient dans l'ignorance de son œuvre. Ce fut donc l'occasion pour nous de découvrir le Canadien, qui écrit principalement sur sa vie, son rapport au sexe et aux femmes, ainsi que sur sa relation amicale avec les auteurs Joe Matt et Seth. Malheureusement, le temps a manqué à l'animateur, Stéphane Beaujean, car la rencontre s'est principalement focalisée sur la vie et de l'œuvre de Chester Brown, alors que les questions plus techniques sur sa narration, son langage graphique auraient dû être développées.

 

Conférence : L'influence de l'imaginaire américain sur l'imagier Français avec Mezzo, Pirus et Anthony Pastor

Participants : Mezzo, Anthony Pastor, Michel Pirus – Animateur : Stéphane Beaujean

Rencontre totalement nationale avec des personnes ayant grandi en France dans les années 1960-70, années durant lesquelles la culture américaine a beaucoup imprégné l'esprit des jeunes de l'époque. Pirus parlait même d'une forme de "colonisation" des esprits. Les souvenirs survenant au fil de la discussion, les participants parlaient de leur jeunesse avec une certaine émotion, comme s'ils étaient autour d'un verre dans un bar de la rue de Genève à Angoulême. L'entretien ne fut pas dénué d'intérêt pour autant, notamment sur la différenciation entre les Américains et les Français sur la façon d'aborder les sujets : les Américains sont donc plus dans le frontal, et c'est ce que Pirus et Pirrus ont tenté de faire avec leur série Le Roi des mouches, avec des plans allant à l'essentiel et un cadrage qui se resserre sur le sujet, tout cela étant inspiré par les photographes outre-atlantiques.

 

Conférence : Billy Bat, le pari d'Urasawa

Intervenant : Alexis Orsini

Il s'agissait d'une conférence tout à fait typique du festival, didactique et grand public, cherchant principalement à présenter l'auteur et, en l'occurrence, sa série Billy Bat. Pour les connaisseurs en manga, rien de bien neuf, bien entendu. Néanmoins, le petit développement consacré aux différents hommages d'Urasawa envers les grands maîtres du passé comme Disney, Tezuka et Hergé était bien sympathique à suivre. Malheureusement, dans le cadre d'Angoulême, il est difficile d'être technique et critique. Cependant, Alex Orsini, auteur de l'ouvrage Naoki Urasawa - L'air du temps et webmaster du site de fan La Base secrète, n'a pas hésité à émettre des doutes sur la conclusion de la série, tant le mangaka a déçu ces derniers temps sur ce point. L'avenir nous dira s'il y avait lieu d'être optimiste ou pessimiste...

 

Crédits et liens

Tous nos remerciements au FIBD / 9ème Art+, notamment à Marie-Noëlle Bas, Julie Rhéaume et Josselin Blanco.

Merci à Manuka pour ses relectures.

Le Fauve © Lewis Trondheim / 9ème Art+
Textes et Photos © Herbv et Taliesin / Mangaverse.net


Basé sur Vividphoto, une conception de Pritesh Gupta (PriteshGupta.com)


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